POUR PUBLICATION IMMEDIATE
COMMUNIQUE DE PRESSE
AHRC-STM-148-2012-FR
Communiqué de presse de la Commission asiatique des droits humains
Nous partageons ci-dessous le discours suivant de Basil Fernando, directeur du développement des politiques et des programmes de la Commission asiatique des droits humains basée à Hong Kong. Ce discours fut prononcé le 22 juillet 2012, au cours d’une conférence réunissant des parlementaires asiatiques à Hong Kong, sous l’égide de l’Alliance asiatique contre la torture et les mauvais traitements.
Un argument fondamental pour l’élimination de la torture
Qu’est-ce que la torture policière?
Si nous devions poser cette question, et dans la foulée tenter d’y répondre, un importun pourrait alors nous renvoyer la question suivante “un instant, comment le savez-vous?” Nous devrions alors nous transporter dans le vaste domaine de l’épistémologie “comment savons-nous quoi que ce soit?”
De tous temps, les hommes se sont posés de telles questions. L’une des réponses qui a émergé au cours des derniers siècles est que l’on connait à travers la collection et l’observation de données. Notre époque est symbolisée par l’image du télescope et du microscope. Et aujourd’hui, nous répondons aux questions portant sur la signification des phénomènes à travers l’observation et l’analyse de données.
Mais alors, qu’en est-il des données portant sur la torture?
On trouve ces données dans les histoires relatées par les victimes de torture. L’approche consistant à étudier la torture à travers les histoires des victimes diffère de l’étude de simples statistiques. A travers des histoires enregistrées avec précision, on peut savoir ce qu’est la torture, pourquoi la torture se produit et répondre à toutes les autres questions qui se soulèvent alors.
Que nous disent les données connues sur la torture? Elles nous parlent des contradictions de nos institutions. L’observation et l’analyse de ces données nous révèlent les dysfonctionnements de nos institutions, tenant en échec l’Etat de droit. Etudier la torture nous conduit alors à l’étude des structures fondamentales des institutions-clés de nos sociétés et des défauts qui leur sont propres.
Les données accumulées à partir des histoires des victimes nous révèlent la profonde bêtise du fonctionnement de nos institutions principales. Il s’ensuit que la torture n’est pas une étude de la cruauté mais plutôt une étude de la bêtise qui fait désormais partie du fonctionnement de nos institutions.
Ainsi, se demander ce que signifie la torture revient à se demander ce que signifie la pneumonie, la malaria ou toute autre maladie. Aujourd’hui les méthodes destinées à étudier ces maladies sont établies. Les mêmes principes peuvent être utilisés pour étudier les maladies qui affectent nos institutions fondamentales.
La démocratie, en l’absence d’institutions fonctionnelles, est une expression vide de sens, un ballon creux flottant à travers l’espace. La démocratie, pour être significative, dépend d’institutions fonctionnelles. Les institutions se mesurent à l’aune de leur capacité à fonctionner dans un Etat de droit. Lorsqu’une institution publique est dysfonctionnelle du point de vue de l’Etat de droit, une telle institution cesse d’être une institution démocratique et devient autre chose.
Dans nos sociétés où la torture policière est très répandue, nous faisons l’expérience d’institutions publiques qui sont devenues “autre chose”. Cet “autre chose” peut aller jusqu’au totalitarisme ou peut être sur le chemin d’un tel “isme”, mais ce dont nous pouvons être surs c’est que de telles institutions ne sont pas seulement non-démocratiques, elles sont aussi devenues un obstacle à la démocratie.
Dans des pays où l’usage de la torture est répandu, il y a une croyance, en particulier parmi les dirigeants et les agents de l’Etat, que sans torture le maintien de l’ordre est impossible. Néanmoins, le contraire est plus proche de la réalité. Lorsque la torture est une pratique répandue, le maintien de l’ordre, au sens démocratique du terme, devient impossible.
Les quelques points ci-dessus reflètent la discussion que nous avons eu hier.
Pour l’AHRC cette discussion a commencé il y a presque 15 ans. Nous avons répondu aux questions en continuant avec entêtement à étudier la torture à travers l’enregistrement des histoires des victimes, chaque jour. Notre documentation témoigne de notre tentative de révéler la signification de la torture à travers l’étude de telles histoires. A nos débuts, notre devise était “aller du micro au macro” ce qui signifie “découvrir à travers des histoires individuelles de torture les problèmes sous-tendant les structures fondamentales de notre société ”
Quand nous connaissons ces histoires, ce que nous savons des structures fondamentales de nos sociétés est expliqué d’une façon très différente de ce que l’on croit ou prétend normalement.
C’est pourquoi l’étude de la pratique répandue de la torture et son exposition participent crucialement à réparer les structures fondamentales de nos sociétés. C’est de ce point de vue que se préoccuper de la question de la torture policière devient un devoir inévitable pour tous ceux qui sont dévoués à la poursuite de la démocratie dans nos sociétés.
L’éradication de la torture policière est l’une des tâches essentielles à la démocratisation de nos sociétés. C’est une façon réalisable de se défaire des obstacles institutionnels à la démocratie.
C’est cette approche que la Commission asiatique des droits de l’homme souhaite présenter à celles et ceux présents à cette conférence. L’AHRC encourage en particulier les parlementaires à prendre cette approche au sérieux lorsqu’ils développeront des stratégies pour établir la démocratie.
L’élimination de la torture et la protection de la liberté d’expression sont intrinsèquement liés. Quand le risque de torture diminue, à défaut d’être complètement éliminé, les conditions psychologiques nécessaires à la liberté d’expression sont alors créées. La liberté d’expression est au cœur de la démocratie. C’est à travers la liberté d’expression que nous sommes capables d’entendre les points de vue de tous, et ainsi de développer une conscience collective renforcée par la participation de tous. Ainsi, l’élimination de la torture est un composant essentiel du développement du sens civique et de la participation populaire.
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À propos de l’AHRC: L’Asian Human Rights Commission (Commission Asiatique des Droits Humains) est une organisation non-gouvernementale régionale qui milite pour le respect des droits de l’homme en Asie. Le groupe basé à Hong Kong a été fondé en 1984.